Kantin regarde l’intérieur de sa petite maison. Il constate que tout est propre et ordonné. Il avait bien arrangé son lit et passé le balai un peu partout. Il avait même déplacé le paillasson et l’avait secoué contre la petite pierre presque carrée. La jolie pierre qu’un jour il avait trouvée devant sa porte et que jamais il n’avait voulu déplacer, bien que sa mère la trouvait inutile et incommode. Il faut le reconnaître, la pierre était tombée juste devant la porte d’entrée.
– Cette pierre est mal placée, elle empêche d’entrer dans la maison et en plus elle est moche. Sa mère disait.
Mais il la regarde encore, et aujourd’hui, il ne sait pas pourquoi, il la trouve même plus jolie, avec une lumière mystérieuse. En plus, elle avait fait partir toute la poussière du paillasson. Comme tout petit garçon, le nettoyage de la maison n’était pas son passe-temps favori, mais en regardant le travail accompli il était satisfait.
Il avait déjà préparé une note. Il avait passé toute la nuit à la rédiger.
《Je pars connaître le monde. Je reviendrai vite.》
Il a pris le baluchon qu’il avait préparé tôt le matin avant que tout le monde ne soit debout, il a claqué la porte et il est parti.
Il a pris le chemin de gauche, car c’est le chemin qui amène à la rivière. Il avait entendu son copain Mini dire ça. Mini, qui lui parlait pendant qu’il draguait depuis une branche d’arbre Minina, qui l’entendait à peine en se balançant dans l’arbre d’à côté. Et qui évidement ne l’a pas fait aucune attention… Ah ! les femmes avait dit Mini, toujours les mêmes.
Après quelques heures de marche, car il ne marche pas trop vite, il faut reconnaître qu’il se laisse distraire même par une mouche qui vole, il s’est arrêté pour se préparer un sandwich. Il a fini enfin par entendre quelque chose qui semblait être de l’eau qui coule. La rivière ! A-t-il crié. Il a reconnu le bruit d’une cascade. Il a vite couru mouiller ses pattes. Il est resté des heures dans cet endroit magique. L’endroit était tellement charmant qu’il décide d’y passer la nuit. La nuit était fraîche mais il a trouvé une petite caverne près de la cascade pour dormir.
Le lendemain il a rencontré un drôle de personnage qui marchait à toute vitesse et se déplaçait en zigzag pour éviter les petites pierres du chemin. Kantin sortait de sa petite mais presque confortable caverne et l’a vu passer pendant qu’il s’étirait après une bonne nuit de sommeil.
– Allez, allez, c’est l’heure de se réveiller et de chercher quelque chose à manger. Lui dit l’étrange personnage pendant qu’avec ses mille pattes il s’éloignait en chantonnant un vieux refrain.
Kantin essuie ses yeux… mille pattes?.. non… c’était plus que ça.
Après avoir soigneusement remis ses quelques affaires dans le baluchon il continua sa marche. Maintenant selon son plan il devait trouver une longue, grande et fraîche forêt de pins. Il ne fut pas déçu. Devant lui s’étendait une longue file d’arbres de toutes les formes et couleurs. Si c’était des pins, il ne pouvait pas l’affirmer. En traversant tant bien que mal l’endroit, il a reçu quelque éraflures, entendu le cri de quelques oiseaux bizarres, croisé quelques chauves-souris pour enfin pouvoir regarder les vives couleurs d’un papillon. La nuit tombée, il est enfin sorti de cet enchevêtrement d’endroit.
C’est seulement quand il est sorti de la forêt et qu’il a levé la tête pour admirer les étoiles qu’il l’a vu. Dans un champ doré, avec sa cape noire… avec ses longs bras qui bougent comme des gros serpents, avec son chapeau pointu, avec ses yeux d’ogre. Epouvanté il a commencé à courir pour échapper à l’horrible bête noire, quand il a vu la princesse. Elle courrait aussi, il ne pouvait pas partir sans l’aider, il l’a pris dans ses bras comme il a pu, il a contourné le monstre pour laisser enfin la belle de l’autre côté du champ, saine et sauve. Elle lui a fait un grand sourire, il a même cru entendre un merci Kantin… mais c’était sûrement un rêve.
Il était content de ses aventures, il avait parlé de son idée à son vieil oncle Gaspard pendant la rituelle partie de cartes du dimanche soir à la maison. Tu dois le laisser gagner, lui avait dit son père, il est trop vieux et s’il perd, il devient mélancolique car il pense qu’il n’a plus sa tête comme avant. C’était le vieux Gaspard qui lui a dit qu’il avait déjà l’âge de connaître le monde.
Et maintenant à son retour il aurait plein de choses à raconter.
Après une longue journée de marche il est arrivé à une colline, et là, le comble de ses rêves. Il a vu le château. Il était splendide, magnifique, avec ses grandes tours et son pont-levis. Serait-ce le château de la princesse ? Il était trop fatigué pour continuer. Il s’est endormi en rêvant de contes de fées.
C’est dans la petite montée qui donne au champ de la maison du maire du village que don Abélard le lézard l’a trouvé et l’a amené à la maison. Kantin avait protesté à l’idée de revenir, mais c’était vrai qu’il avait déjà eu suffisamment d’émotions.
Kantin est entré subrepticement dans la maison, pendant qu’Abélard parlait à son père.
– Salut, j’ai trouvé Kantin dans la grande montée dit Abélard au père de Kantin. Ma fille a vu Kantin aussi avant-hier près du champ de blé du maire. Ils ont couru ensemble un peu il paraît. J’ai pensé que c’était une bonne idée de le ramener à la maison.
Kantin descend de sa chambre après avoir pris une petite douche pour se rafraîchir. Et il commence à raconter à ses parents ses aventures avec grand enthousiasme. Après sa description très détaillée, pour son père le parcours de son fils était clair. Kantin était passé près de l’arrosage du champ de blé du maire, c’est là qu’il s’est effrayé de l’épouvantail, et qu’il a rencontré la fille d’Abélard, pour finir près de la montagne de poubelle dans la grand montée du village.
Sa mère qui n’avait écouté le long récit qu’à moitié, râle:
– Tu es parti parcourir le monde, d’accord, tu reviens comme si de rien n’était une semaine après, d’accord, mais tu as vu dans quel état tu as laissé la maison avant partir? Et elle part encore en râlant sans attendre une réponse.
M. Tope, le père de Kantin, le regarde en soupirant. C’est vrai que son fils est un rêveur, qu’il a la tête ailleurs, mais là, il avait une autre excuse, pour la poussière oublié dans sa chambre, le monstre, le château et la princesse. Avec une voix douce et calme il lui dit :
– Va dans ta chambre mon petit, il faut que tu te reposes de tes aventures. Et n’oublie pas de mettre tes lunettes la prochaine fois, tu sais, nous n’avons pas une très bonne vue.